26 février 2025

L’Europe doit cesser de subir l’Amérique

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L’Europe tremble à chaque revirement américain, s’inquiète pour l’OTAN, supplie pour l’Ukraine. Mauvaise approche. Les grandes puissances ne fonctionnent pas à l’affect : elles négocient.

L’Amérique est fracturée. Plutôt que de subir, il faut exploiter les divisions : s’allier aux pro-Ukraine, renforcer notre autonomie, et peser face aux États-Unis.

L’angoisse semble être devenue le sentiment dominant de la diplomatie européenne face aux États-Unis. Depuis l’élection de Donald Trump, on assiste chaque semaine au même spectacle : inquiétudes sur le soutien américain à l’Ukraine, lamentations sur l’affaiblissement de l’OTAN, crainte d’être reléguée au second plan dans les négociations internationales. Cette posture est non seulement contre-productive, mais surtout, elle repose sur une illusion : celle d’une relation transatlantique dictée par des principes intangibles et une solidarité naturelle.

Il est temps de comprendre que les grandes puissances ne fonctionnent pas ainsi. Washington ne fait pas de sentimentalisme en matière de politique étrangère. Les Etats-Unis agissent en fonction de leurs propres intérêts, et ceux-ci peuvent évoluer. Donald Trump le sait bien : son positionnement sur l’Ukraine n’est pas une idéologie gravée dans le marbre, mais un instrument de négociation. L’Europe ferait bien de s’en inspirer au lieu de s’affoler à chaque revirement américain.

L’Amérique est fracturée et c’est une opportunité pour l’Europe

L’erreur serait d’envisager la politique étrangère américaine comme un bloc monolithique. En réalité, les États-Unis sont en plein chaos politique, tiraillés entre des camps opposés sur la place du pays dans le monde. Cet éclatement est une faiblesse que l’Europe devrait exploiter au lieu de la subir. Plutôt que de réagir aux saillies de Trump, elle devrait travailler intelligemment avec les nombreux relais dotés de sang-froid aux États-Unis, comme les responsables du Pentagone, les Républicains pro-Ukraine, l’opposition Démocrate et les entreprises qui misent sur la relation transatlantique.

Autre point souvent négligé : l’Amérique a besoin de l’Europe. Certes, Washington reste la première puissance mondiale, mais son désengagement progressif lui fait perdre en influence. Des pays européens plus stratégiques, plus affirmés, deviendraient des acteurs indispensables, et non des simples spectateurs inquiets des soubresauts de la Maison Blanche.

Arrêter de quémander, commencer à négocier

L’attitude actuelle de l’Europe est celle d’un client inquiet face à un fournisseur capricieux. Il faut changer de posture et imposer ses conditions. Comment ?

Les pays européens qui le peuvent devraient renforcer leur défense. Plutôt que de mendier une protection américaine, montrons que nous pouvons nous défendre seuls. Ce n’est pas une rupture avec l’OTAN, c’est un moyen d’être un allié crédible et respecté.

Jouer la carte économique et militaire : les marchés européens, les bases militaires des pays européens dans le monde, y compris au Moyen-Orient et en Asie, sont autant d’atouts que nous devons utiliser comme leviers face à Washington.

Adopter une diplomatie flexible. L’Europe doit être capable de montrer qu’elle a d’autres options, quitte à élargir certaines alliances stratégiques, au Moyen-Orient et en Asie. Ce n’est pas une trahison, c’est du réalisme.

Les soubresauts politiques américains ne doivent pas dicter notre ligne diplomatique. Le chaos américain n’est pas un danger : c’est une opportunité. À condition que les pays européens qui le peuvent acceptent enfin de se comporter en puissances.