Il est des discours politiques qui, à force de vouloir réconcilier les contraires, finissent par s’effacer dans les compromis. Celui de François Bayrou devant l’Assemblée nationale mardi 14 janvier 2025 appartient à cette catégorie. Avec sa posture d’équilibriste, le Premier ministre a dessiné une vision budgétaire aux contours particulièrement flous.
L’urgence budgétaire
François Bayrou a lancé son allocution par une mise en garde : il est impératif d’adopter rapidement les budgets de l’État et de la Sécurité sociale pour éviter des turbulences économiques. L’annonce s’est accompagnée d’une révision des prévisions économiques : une croissance revue à 0,9 % pour 2025, contre 1,1 % initialement, et une inflation abaissée à 1,4 %.
Cependant, cette lucidité ne s’accompagne pas d’un changement de cap stratégique. L’objectif de ramener le déficit à 3 % du PIB d’ici 2029 reste inchangé, même si le déficit pour 2025 est légèrement assoupli à 5,4 %. Certes, les chiffres traduisent un effort ; mais à bien y regarder, cet effort semble plus préoccupé par l’ajustement que par la transformation.
Une réforme de l’État encore à l’état d’idée
Le volet le plus ambitieux du discours réside sans doute dans l’annonce d’un fonds spécial dédié à la réforme de l’État. Financé par la vente d’actifs immobiliers, il doit permettre d’investir dans des technologies comme l’intelligence artificielle pour moderniser les services publics. L’idée est séduisante car dans l’air du temps, mais son caractère abstrait interroge : quels actifs seront cédés ? Quels services bénéficieront réellement de ces innovations ? Quand on évoque l’adaptation des services publics aux contraintes d’aujourd’hui, l’introduction d’une dose d’intelligence artificielle est-elle la priorité ?
En matière de réduction des dépenses publiques, les ambitions affichées s’élèvent à 32 milliards d’euros. Une baisse de 5 % des budgets des opérateurs de l’État et une contribution modérée des collectivités locales (2,2 milliards d’euros) font partie des mesures phares. Mais là encore, le détail manque cruellement. On se prend à douter de la capacité du gouvernement à engager les réformes structurelles nécessaires pour garantir la viabilité de cette trajectoire.
Fiscalité : la pente du statu quo
Côté fiscalité, la taxe sur les transactions financières (TTF) devrait être relevée à 0,4 % ou 0,5 %. Sur le patrimoine, François Bayrou introduit une nouvelle contribution de 0,5 % sur les actifs financiers des ménages aisés. En parallèle, la flat tax sur les revenus du capital est maintenue, aggravant le statu quo actuel de fiscalité agressive contre les ménages aisés.
Santé et assurances
Les mutuelles et assurances santé, quant à elles, sont mises à contribution pour compenser l’abandon de certaines baisses de remboursement par la Sécurité sociale. Une taxe supplémentaire de 1 milliard d’euros est prévue à leur encontre. Ce transfert de charge risque d’être répercuté sur les assurés, fragilisant encore un peu plus les classes moyennes.
Les contradictions d’un centriste assumé
François Bayrou est-il victime de sa posture centriste ou n’est-il que le coordinateur entre des forces politiques qui ne s’accordent sur rien, à part sur la continuation du statu quo social-démocrate actuel ? Le résultat est le même, miné par des contradictions évidentes : comment prétendre réformer tout en annonçant préserver le modèle social qui hypothèque la situation budgétaire du pays ?
Le discours de François Bayrou est une illustration des tensions qui traversent la politique française. Entre statu quo social-démocrate et impératifs budgétaires, entre ambition réformatrice et conservatisme socialiste, il dessine les contours d’une vision qui reste prisonnière de ses contradictions.
Pour relever les défis qui s’annoncent, il faudra plus qu’un exercice d’équilibre : il faudra une véritable vision, courageuse et assumée.